À mon mari Pierre
À tous les membres de ma famille
Me voici Seigneur, moi et les enfants que tu m'as donnés
« He 2, 13b »
PRÉAMBULE
En avant-propos, j’aimerais décrire les prémices qui m’ont conduite vers la reconnaissance de Mlle Agathe De St-Perre, comme véritable propriétaire du Domaine de la Présentation (1685-1691). Le 10 juin 2011, mon mari et moi célébrions notre 50e anniversaire de mariage. Invités par nos enfants à célébrer cet évènement en l’église Sainte-Rose-de-Lima de Laval, lieu de notre enfance et de notre mariage, nous fûmes aussi invités à signer le Livre d’Or de notre cité dorvaloise, le 22 août 2011. Lors de cet événement, le maire M. Edgar Rouleau nous remit au nom de la Cité, le volume de l’historien André Duval : Dorval, trois siècles d’histoire. Le livre était accompagné des Armoiries de la Cité.
Quelle ne fut pas ma joie d’y retrouver alors deux de mes ancêtres maternels, notre aïeul François Meloche et son fils Antoine. Toutefois, mon intérêt ne s’arrêtait pas à cette dernière spécificité. Soudainement, la lecture des Armoiries m’interpella. Je remarquais qu’en 1685, la dite propriété du « Domaine de la Présentation » était attribuée à l’époux d’Agathe De St-Perre, Pierre Le Gardeur De Repentigny. L’historicité des faits à découvrir sera développée dans ce volume. Nous ne pouvons que déplorer un tel oubli car plus de 300 ans nous séparent des faits étudiés. Dès lors, des questions se posent et elles seront posées. Qui était le ou la véritable propriétaire du Domaine de la Présentation en 1685 ? Mlle Agathe ou le futur époux Pierre ?
La question fondamentale posée concernait-elle de possibles transformations ? À cet effet, comment transformer les Armoiries d’une Cité sans détenir les actes notariés qui l’autorisent ? Comment y accéder ? Tel fut l’objet de mes nouvelles recherches que je partageais avec les membres de la Société historique de Dorval. À cet égard, je recevais une lettre de la Cité. Il ne s’agissait pas uniquement d’un simple accusé de réception de la documentation remise à M. Edgar Rouleau, maire de la Cité, ainsi qu’à M. Michel Hébert, président de la Société historique de Dorval. La lettre du 20 janvier 2012 par le président corroborait mes observations :
Suite à vos lettres accompagnées des documents d’archives ainsi qu’à des recherches effectuées par notre archiviste, nous concluons que vos observations sont pleinement justifiées. Les documents fournis prouvent sans l’ombre d’un doute que c’était bien Agathe De St-Perre qui était la propriétaire des terrains vendus à Jean-Baptiste Bouchard Dorval (29 janvier 1691).
À cet effet, je vous propose une relecture des événements patrimoniaux qui, tout en réitérant l’histoire de notre Cité, permirent d’y découvrir l’un de mes ancêtres maternels, troisième propriétaire du « Domaine de la Présentation », objet de mon analyse. M. Antoine Meloche est le fils de François venu en ce lieu en 1708 :
En 1708 les seigneurs de l’île de Montréal - les prêtres du Séminaire de St-Sulpice - concèdent une terre de la Côte de Lachine à un colon du nom de François Meloche. Cette terre se situe à l’est du Domaine de la Présentation, alors propriété du sieur Jean-Baptiste Bouchard Dorval. (...) Après la déconfiture de Dorval les Meloche figurent parmi ceux à qui ses malheurs ont profité. Ils acquièrent une couple de terres détachées du Domaine de la Présentation ainsi que les trois îles jadis concédées par Frontenac à l’abbé de Fénélon. Nous savons en effet que, le 18 juin 1753, Antoine Meloche - le fils de François - avait acheté de René de Coüagne (de la famille de Charles de Coüagne, le créancier de Bouchard Dorval) une « terre sise à la Chine, au lieu nommé la Présentation » ( photos: Maison Meloche).
Théologienne engagée socialement, j’insérerai quelques extraits de ma thèse de maîtrise présentée sous la thématique suivante : La spiritualité sacerdotale mariale au 17e siècle d’après le dernier des grands bérulliens, saint Louis-Marie Grignion de Montfort. Cette thèse justifiait l’obtention du grade de 2e cycle universitaire comme Maître es Arts à la Faculté de théologie de l’Université de Montréal (1990). Vous y découvrirez « en même temps », non plus uniquement l’Acte d’Échange entre le ou la propriétaire du « Domaine de la Présentation » mais en plus les « sources de la spiritualité qui ont vu naître notre Cité comme lieu d’interpellation ». Ces sources vous sont proposées d’après la spiritualité ministérielle mariale de M. Jean-Jacques Olier, co-fondateur de Montréal et fondateur des prêtres de Saint-Sulpice de Paris. En ce lieu, si « culture et foi » s’interpellent harmonieusement, il devient possible de rétablir non seulement la place de la femme dans la société mais aussi d’y discerner son rôle au sein de la vie de l’Église. À cette fin, une attention spéciale sera portée envers la pensée mariale ministérielle de saint Jean-Paul II: « Marie, la femme eucharistique ». Celle-ci sera suivie de la pensée ministérielle de l’école allemande selon S.S. Benoit XVI, notre pape émérite.
Dès lors, une espérance jaillit pour nous femmes en Église.
« Femme oubliée et rétablie »
Au coeur de la société civile !
En spiritualité ministérielle féminine !
- PRÉFACE -
Dans ce volume, il me fait plaisir de vous présenter Mlle Agathe De St-Perre, comme véritable propriétaire du « Domaine de la Présentation » 1685-1691. Le Domaine deviendra au 19e siècle, la Cité de Dorval. En ce lieu, « culture et foi » se rencontrent et interpellent. Au point de départ, il s’agit du rétablissement des droits acquis d’une femme exceptionnelle dans le développement de la colonie. Dans cette étude, le rétablissement des droits acquis conduit vers d’autres droits acquis et pourtant perdus au fil du temps. Par souci de cohérence et suite à des recherches effectuées en spiritualité sacerdotale ministérielle1 au 17e siècle français, il est intéressant de revisiter la spiritualité qui a, non seulement guidé nos ancêtres, mais aussi diverses réformatrices et divers réformateurs au sein de la vie de l’Église. Pour nous, résidentes et résidents de Dorval, il est fascinant de saisir le sens profond de la spiritualité qui a vu naître notre Cité. En ce lieu, la spiritualité ministérielle de la Présentation de la Vierge-Marie au Temple, vocable de notre paroisse, est offerte à l’aujourd’hui de l’Église.
Théologienne engagée toujours en quête de découverte, un oeil exercé fait apparaître soudainement une ouverture insoupçonnée. Ouverture qui nous conduit vers une femme d’affaires, entrepreneure engagée socialement. À cet égard, il existe ces moments magiques, où particulièrement attentive à un vivre ensemble harmonieux, de nouveaux lieux émergent. Ces nouveaux lieux font apparaître l’engagement multiforme des femmes. Non plus uniquement reconnues comme fondatrices d’hôpitaux ou de maisons d’enseignement, mais en d’autres lieux ces « grandes oubliées » contribuèrent avec énergie et enthousiasme au développement social et économique de Ville-Marie. C’est pourquoi, je me sens honorée de vous présenter Agathe De St-Perre. Agathe fait partie de ces pionnières qui, sans leurs attentions au vécu de leurs contemporaines et de leurs contemporains, la vie aurait été beaucoup plus difficile et différente voire même impossible. C’est donc par reconnaissance envers ces femmes oubliées dans la société ou la vie en Église que j’ai l’immense plaisir de vous présenter la véritable propriétaire du « Domaine de la Présentation » (1685-1691), devenu en 1892 la Cité de Dorval. Lors de ma découverte personnelle, nous habitions ce lieu depuis 46 ans. Pendant plus de 300 ans, une femme demeurait dans l’« oubli » ; nos armoiries attribuant à son époux ce qui lui appartenait de plein droit depuis sa tendre enfance. De là découle cet intérêt particulier qui me guidait à travers les divers événements de ma vie personnelle, familiale et ecclésiale, vers une ouverture insoupçonnée.
C’est ainsi qu’en première partie, je vous présenterai Agathe De St-Perre. En elle, je percevais une des femmes les plus extraordinaires de la Nouvelle France au 17e siècle. Connaître son histoire véritable demandait cependant, non plus uniquement la vérification des actes notariés, mais aussi une attention envers les parents et grands-parents d’Agathe. L’obélisque des fondateurs et fondatrices de Ville-Marie témoigne de leurs implications. Situé à l’arrière du Musée de Pointe-à-Callière, Place Royale à Montréal, nous les retrouvons en compagnie de M. Jean-Jacques Olier, fondateur du séminaire de St-Sulpice de Paris.
J’y reviendrai dans le chapitre consacré à sa spiritualité. Cependant, la solution et la découverte se révéleront peu à peu et éveilleront d’autres lieux.
Conséquemment, si la psychologie tente de démontrer que tout être humain porte en soi trois générations, cette source familiale permet de présenter la propriétaire du Domaine, non plus en regard de son mariage futur avec Pierre Le Gardeur De Repentigny, position suggérée par l’historien Duval, mais comme héritière et propriétaire du « terreau » qui permettait de conclure l’Acte d’échange entre Mlle Agathe De St-Perre et les Sulpiciens de Paris le 7 septembre 1685. À cet effet, mes recherches démontreront que dès le l6 juin 1672, ce sont les tuteurs et tutrices d’Agathe De St-Perre qui signèrent « en son nom » le premier Acte d’échange. Fille mineure de Jean De St-Perre et de Mathurine Godé, tous deux décédés, Agathe l’authentifiait de sa main le 7 septembre 1685. « Tout indique, écrit l’historien Duval, que le Domaine de la Présentation qui est une réalité en 1685, était demeuré à l’état de projet jusqu’au retour de France de l’abbé de Fénélon en 1672. »
Dès lors, il est possible d’affirmer qu’à Ville-Marie au 17e siècle, une femme héritière et célibataire était dûment autorisée à entériner et signer l’Acte d’échange, car elle en était l’unique propriétaire, et ce, depuis plus de 13 ans
.
En deuxième partie, je me laisserai interpeller par la spiritualité ministérielle du fondateur des prêtres de Saint-Sulpice. Au 17e siècle montréalais « culture et foi » ne pouvant se dissocier, il sera possible de présenter l’originalité du vocable de La Présentation de la Vierge-Marie. Ce vocable, nous le vénérons toujours en l’église de La Présentation-de-la-Vierge-Marie, seule église francophone de notre Cité, la Cité de Dorval. C’est pourquoi, je vous invite à visiter le monument commémoratif des fondateurs de Montréal situé à l’arrière du Musée de Pointe-à-Callière. Parmi eux, nous retrouvons les noms de la mère d’Agathe, Mme Mathurine Godé, de son grand-père Nicolas Godé et aussi « les véritables motifs » de M. Jean-Jacques Olier, pss :
« Ce projet de Montréal pourra être, dit-il, un temps à venir,
une grande gloire à Dieu,
l’honneur de l’Église et une grande utilité à ce Royaume. »
En troisième partie, ma réflexion portera sur l’interrelation entre la science et la spiritualité. Dans un premier temps, il s’agira de démontrer comment l’expérience spirituelle première envers sainte Marie-Madeleine conduit le père Marie-Joseph Gariggou-Lagrange vers la prêtrise et la fondation de l’École biblique et archéologique de Jérusalem. Dans un second temps, la découverte du tombeau de sainte Cécile transformera l’histoire et l’archéologie chrétienne de Rome, au 2e siècle de l’ère chrétienne chez Dom Guéranger et Jean-Baptiste Rossi.
Par cette interrelation entre la science et la spiritualité, je terminerai ma réflexion en puisant au coeur de mon vécu en Église comme responsable des baptêmes de 2012 à 2015. De ce lieu, j’établirai le passage entre l’expérience spirituelle personnelle vécue et l’appel au renouveau ministériel à partir de la spiritualité ministérielle allemande de S.S. Benoit XVI.
Conséquemment, je désire présenter ce volume à toute personne intéressée par l’interrelation entre « culture et foi » comme lieu inédit et renouvellement continu de la pensée d’un peuple. Aux fondements de cette réflexion, la spiritualité mariale ministérielle que sous-tend la toponymie du « Domaine de la Présentation ». De ce lieu civil, l’Acte d’échange signé le 7 septembre 1685 entre Demoiselle Agathe De St-Perre et les Messieurs de Saint-Sulpice offre de nouveaux horizons à la modernité.