Obélisque de Place Royale
Musée d'archéologie et d'histoire
de Montréal
- PARTIE I - Agathe De St-Perre et le« Domaine de la Présentation »
I Agathe De St-Perre , fille de Jean De St-Perre et Mathurine Godé 2 Agathe De St-Perre , une femme d’affaires avertie 3 Agathe De St-PerrePropriétaire du Domaine La Présentation« Les Actes d’échange »
- 1 -Agathe De St-Perre fille de Jean De St-Perre et Mathurine Godé
Au début de la Nouvelle France, la plupart des titres de concession de l’époque comportent un préambule exprimant la pensée de chacun. Il en sera ainsi pour Monsieur de Maisonneuve qui retenait comme en-tête de ses octrois de terre ce qui suit : « Suivant les pouvoirs à nous donnés par Messieurs les associés pour la conversion des [amér]indiens de la Nouvelle France, en l’île de Montréal, pour en départir les terres à ceux qui auraient affection de s’y établir et d’y faire leur demeure ordinaire, afin de procurer par ce moyen, la propagation de la foi dans ce pays ». À cet effet, Agathe De St-Perre appartient à l’une des familles qui ont marqué l’histoire montréalaise. Ces familles sont venues au pays afin d’y convertir les indiens. Jean De St-Perre, le père d’Agathe, signait cette allégeance demandée par Monsieur de Maisonneuve .Tel que souligné, on retrouve les noms de sa mère Mathurine Godé et de son grand-père Nicolas Godé sur le monument de la Place Royale de Montréal, en compagnie de M. Jean-Jacques Olier, fondateur des prêtres de Saint-Sulpice plus spécifiquement nommés Messieurs de Saint-Sulpice à Vaugirard, Paris. Dès lors, nous voyons apparaître le vocable spirituel qui nous concerne toujours soit la spiritualité sacerdotale mariale de la Présentation de Marie au Temple. Aussi, est-il intéressant de connaître la famille d’Agathe De St-Perre,
a) Les grands-parents d’Agathe De St-Perre,Nicolas Godé (1583-1657).
Le grand-père d’Agathe naît en France. Il arrive à Ville-Marie en 1642, l’année de sa fondation. Maître menuisier, il épouse Françoise Gadois (1593-1689) avec qui il eut quatre enfants. Cette famille compte parmi les fondateurs de Ville-Marie. On retrouve leurs noms et celui de M. Jean-Jacques Olier fondateur de la Compagnie des prêtres de Saint-Sulpice de Paris sur le monument situé Place Royale près du Musée de Pointe-à-Callière, Montréal. Depuis le 29 septembre 1657, M. Olier collabore avec les membres de la Société Notre-Dame de Montréal. Éprouvant de grandes difficultés financières, la Compagnie de Montréal remet l’Ile de Montréal à la Compagnie de Saint-Sulpice de Paris, le 9 mars 1663.
b) Les parents d’Agathe De St-PerreJean De St-Perre (1618-1657).
Le père d’Agathe naît à Dormeilles, village de l’ancien Gâtinois, dans les environs de Fontainebleau. Jean appartenait à une famille issue de la noblesse.Comme blason, leur famille présente des armes d’azur, à trois fusées d’or, posées en face l’une sur l’autre. D’Hozier note ces armoiries dans son grand armorial de France. Le 14 mai 1651, Jean De St-Perre devient notaire royal et premier greffier de Ville-Marie.Il bâtit et couvrit lui-même sa maison. Quelques jours avant son mariage, le 18 septembre 1651, celui-ci signe un contrat de mariage notarié par-devant Sieur Lambert Closse. Le 25 septembre, Jean épousait Mathurine Godé, fille de Nicolas Godé et de Françoise Gadois. En compagnie de son compagnon Lambert Closse, l’un des membres de la Compagnie de Ville-Marie, Jean répond par acte notarié aux demandes de Monsieur de Maisonneuve et s’engage au nom de sa foi chrétienne :
« Nous étant mis avec Messieurs de la Compagnie de Montréal, écrivent-ils, afin de contribuer, autant que nous le pourrions, à la conversion des [amér]indiens, nous avons cru qu’il était nécessaire pour cela, que chacun de nous fit en particulier quelque établissement, et Monsieur de Maisonneuve, notre gouverneur, qui a jugé de son côté, que notre dessein serait utile au bien de ces derniers, nous ayant délivré, aujourd’hui même des concessions de terres pour ce sujet, nous déclarons prétendre aucune récompense pour les services que nous avons rendus jusqu’à ce jour à la compagnie de Montréal (3 août 1650). »
Subséquemment, Jean De Saint-Perre aurait succédé à Lambert Closse comme greffier de Montréal. Le 14 mai 1651, on le retrouve en qualité de greffier de Ville-Marie. Il procède à l’inventaire et à la vente des meubles d’un concitoyen tué par les Iroquois. Ayant démontré son grand dévouement pour l’établissement de la colonie, le contrat décrit les fonctions qui lui sont attribuées par Monsieur de Maisonneuve:
« Afin de le récompenser de ses bons et fidèles services rendus pendant huit ans, Monsieur de Maisonneuve, outre quarante arpents de terre qu’il lui donna, promit de lui en faire défricher six, et en attendant, lui céda la jouissance de six autres arpents déjà défrichés situés près du fort. La confiance que témoignait à De St-Perre, le fondateur de Montréal, était partagée par les colons, qui, après l’avoir élu leur syndic, le nommèrent receveur des aumônes qui seraient faites en faveur de la construction de l’église projetée à Ville-Marie le 29 juin 1654 . »
Selon Dollier de Casson, « Jean était un esprit vif, d’une piété sincère, et d’un jugement aussi excellent qu’on en ait eu ici. Le 25 octobre 1657, travaillant à la maison de son beau-père Nicolas Godé, située à la Pointe St-Charles, il fut massacré par les Iroquois. Les Iroquois lui coupèrent la tête pour conserver par ce moyen et emporter avec eux sa belle chevelure ». . La torture ne semble pas un fait contemporain. Une légende circulera envers divers incidents qui se seraient produits lors de sa mort . Ces incidents furent inscrits dans les Écrits autobiographiques de soeur Marguerite Bourgeoys et dans les Relations des jésuites ; dans sa mort, la tête de Jean aurait continué à parler dans le langage amérindien sans en connaître un mot pendant son existence. Pour peu que l’on s’intéresse à ces faits, il est possible de découvrir une histoire similaire dans les catacombes de Saint Callixte à Rome. En ce lieu, il s’agit du martyr de sainte Cécile qui vécut à Rome au 2e siècle de notre ère. J’y reviendrai en troisième partie du volume.
Mathurine Godé (1637-1672).
La mère d’Agathe naît dans la région de l’Île-de-France. À peine âgée de quatre ans, ses parents s’installe à Ville-Marie avec sa soeur aînée et ses deux frères. Tel qu’il en était au début de la colonie, le mariage se situe à l’adolescence. En 1651, à peine âgée de quatorze ans, Mathurine Godé épouse Jean De St-Perre qui marque ses trente-trois ans. Ensemble, ils deviennent les heureux parents de deux enfants : Claude et Agathe. Cependant, Claude décède très jeune et Agathe devient alors l’unique enfant du couple Godé-St-Perre. Toutefois, tel que souligné précédemment, l’union de Mathurine Godé et de Jean De St-Perre ne dura guère, car la mort le ravit après six ans de vie commune.Accidentellement, le 25 octobre 1657, Jean De St-Perre ainsi que son beau-père Nicolas Godé furent tués par les Iroquois. Assumant les biens de son époux, le nom de Mathurine Godé devenait célèbre. Le parrain d’Agathe, Raphaël-Lambert Closse, membre de la Société de Ville-Marie, meurt en même temps que son père Jean et son grand-père Nicolas.On retrouve l’inscription de leurs noms sur le monument de la Place Royale.L’année suivante, Mathurine convole en secondes noces ; elle épouse le négociant Jacques Le Moyne de Sainte-Marie . Agathe De St-Perre entrait ainsi dans une famille dont le nom deviendra célèbre par les exploits de Charles le Moyne de Longueuil et de Châteauguay ainsi que de ses fils. Le 12 novembre 1672, Mathurine meurt à l’accouchement de son dixième enfant .Suite à la mort de sa mère, Agathe devient responsable d’une famille de neuf enfants, huit étant nés du second mariage de sa mère avec le négociant Jacques Le Moyne de Sainte-Marie, frère de Charles Le Moyne de Longueuil et de Châteauguay. Bien qu’en âge de se marier, Agathe retardait ses projets de mariage pour s’occuper de ses demi-frères et de ses demi-soeurs. On présume qu’Agathe a fréquenté l’école de Marguerite Bourgeoys. Tout comme son père, Agathe sait signer, un fait remarquable au début de la colonie. Depuis ce temps, diverses interrogations seront posées envers la possibilité qu’une femme puisse signer des documents notariés dès le début de la Nouvelle France.
L’ Acte d’échange du 7 septembre 1685 attestera officiellement le « droit de propriété » de la nouvelle propriétaire du Domaine de la Présentation, Mlle Agathe De St-Perre. Agathe est célibataire et héritière des terrains expropriés en vue de la construction de l’église Notre-Dame de Montréal. Bien qu’il serait possible de justifier cette question maintenant, je crois qu’auparavant nous devons connaître Agathe, comme femme d’affaires avertie, objet du deuxième chapitre.
2 - Agathe De St-Perre, une femme d’affaires avertie
Agathe De St-Perre naît à Ville-Marie le 27 février 1657. Elle est baptisée le jour même de sa naissance. Après l’échec d’un premier amour d’enfance avec Augustin Juchereau de Québec, Agathe verra à l’éducation de ses demi-soeurs et demi-frères. Elle retardait ses projets de mariage afin de se consacrer à sa famille. L’année 1685 marquera de grands événements : le premier consiste en la signature de l’Acte d’échange du 7 septembre 1685 avec les Messieurs de Saint-Sulpice qui la rend propriétaire du « Domaine de la Présentation » et le second, son mariage deux mois plus tard, le 28 novembre 1685. Elle épouse en ce jour Pierre Le Gardeur de Repentigny. Agathe est alors âgée de 28 ans et Pierre a 40 ans. Leur union durera cinquante ans. Pierre décédait le 18 novembre 1736. Mariée, Agathe devient la mère de 8 enfants dont l’une Anne-Angélique ne survivra pas. Agathe donnait vie à sept autres enfants dont les prénoms sont les suivants : Marguerite, Agathe, Marie-Catherine, Marie-Josephte, Marie-Madeleine, Jean-Baptiste-René, Jeanne-Madeleine. On lui connaît une autre fille dont elle ne serait pas la mère, Marie-Charlotte. Elle l’aurait accueillie comme son enfant.
Désormais, mes recherches permettent de situer la question posée par l’historien André Duval envers le ou la véritable propriétaire du « Domaine de la Présentation », titre du présent volume. Tout en soulignant le travail immense et la rigueur du travail accompli, l’une des positions de Duval questionne la véracité de faits nouveaux. Au 17e siècle croît l’historien, il aurait été « étonnant » qu’une femme puisse signer des documents notariés, sans motif valable. Selon ce dernier, l’un des motifs devait être attribué à son futur mariage qui reconnaissait ainsi la « maturité » de la personne. Personnellement, je crois davantage que ce sont les événements familiaux qui sont la preuve d’un engagement profond et sincère dénotant de sa grande maturité. De là découle l’importance à accorder au présent volume. Dans cette recherche, un aspect retient mon attention. Agathe De St-Perre sera davantage connue comme femme d’affaires après la vente du Domaine de La Présentation à Jean-Baptiste Bouchard, le 29 janvier 1691.
Auparavant, intéressons-nous à la perception de l’historien Duval, soit la signature de son fiancé Pierre Le Gardeur de Repentigny sur l’Acte d’échange du « Domaine de la Présentation ». Témoin ou propriétaire ? Telles seront les questions posées dans le prochain chapitre. L’historien s’interroge comme suit :
Que faisait là le Sieur De Repentigny ? Bien que l’Acte d’échange n’en souffle mot, on peut se l’imaginer sans peine. C’est que, selon Duval, les Sulpiciens n’auraient jamais cédé leur propriété à une femme seule. Cela était absolument impensable. Donc, si le domaine fut cédé à Agathe De St-Perre, ce fut en considération de son mariage prochain au Sieur de Repentigny .
À cet effet, j’énoncerai les différentes activités et actes notariés signés par Agathe De St-Perre, femme d’affaires avertie. Diverses études tentent de démontrer la nature insouciante de Pierre Le Gardeur de Repentigny qui permit à la dynamique Agathe De St-Perre d’éclipser souvent son mari. Elle signait des contrats, tirait profit de congés de traite, achetait et vendait des terres, effectuait des emprunts et réglait ses comptes ainsi que les dettes de son mari et de ses beaux-frères. À titre d’exemple, je retiens cet extrait :
Montréal. Enregistrement d'une permission accordée par Charles Lemoine de Longueuil, gouverneur de Montréal, et commandant général de la Nouvelle-France, à la dame De Repentigny [Agathe De St-Perre], d'un canot et cinq hommes, avec le convoi qui va à Chagouamigon, pour porter au sieur De St-Pierre [Jacques Legardeur de St-Pierre], officier détaché au dit poste, des provisions le 29 mai 1726 (Bibliothèque et Archives nationales du Québec) .
À cet effet, il est intéressant de noter qu’au début du 18e siècle, la conjoncture économique obligeait la colonie à vivre périodiquement en économie fermée ; ce fut alors un retour aux idées que l'intendant Jean Talonavait mises de l'avant lors de deux séjours en Nouvelle-France. Selon Fabienne Julien, auteure du livre qui relate les évènements, il s’agît de rendre la Nouvelle France autosuffisante en matière de tissus. En ce lieu, nous découvrons la perspicacité d’Agathe De St-Perre. Pour pallier à la pénurie de lin et de laine, celle-ci se livrait chez elle aux expériences les plus diverses, principalement sur les orties et les filaments d'écorces, sur le cotonnier sauvage et la laine de bœufs illinois. Le roi de France trouvait réussis les échantillons de toile et appréciait les dragées de sucre d'érable de sa fabrication qu'elle lui envoyait. En 1705, quand arriva la nouvelle du naufrage de la Seine qui transportait le ravitaillement de toute une année, l'audacieuse femme établit dans sa maison la première manufacture d’étoffes au Canada, une manufacture de toile, droguet, serge croisée et couverte. Femme d’affaires, elle négocie avec les Agniers et rachète neuf tisserands anglais, prisonniers des Indiens à Deerfield près d’Albany. Agathe les embauche et leur adjoint des apprentis canadiens. Elle met à leur disposition et distribue à Montréal des métiers à tisser de bois qu'elle fait construire d'après l'unique exemplaire trouvé dans l'île. Celle-ci poursuit des expériences sur des colorants indigènes et sur leur fixation. Plusieurs insulaires s'initient aux techniques de tissage et de teinture. Très rapidement, on compta plus de 20 métiers. Cela lui permettait de fournir quotidiennement 120 aunes d'étoffe et de toile grossières, durables et à bon marché. En 1707, suite au départ des tisserands rachetés par les Bostonnais, la manufacture conservait son autonomie et son rythme de production jusqu’en 1713, moment où Agathe se retirait des affaires. Auparavant, elle avait fait reconnaître par la couronne de France l’importance de ses initiatives pour la colonie. Le roi lui accordait alors une gratification annuelle de 200 livres en reconnaissances de ses services .
Reconnue comme femme d’affaires avertie, le prochain chapitre présente les prémices qui l’ont acheminée vers l’actualisation de ses multiples talents, soit Mlle Agathe De St-Perre, l’unique propriétaire du « Domaine de la Présentation ».
3 - Agathe De St-PerrePropriétaire du Domaine La Présentation« Les Actes d’échange »
Dans ce chapitre, il s’agit de situer le ou la véritable propriétaire du « Domaine de la Présentation », point de départ de ma quête dorvaloise. En 2011, lors de la remise du volume de l’historien André Duval et des Armoiries de notre Cité, il était possible de remarquer que les Armoiries de la Cité de Dorval présentait le fiancé d’Agathe De St-Perre, Pierre Le Gardeur de Repentigny, comme véritable propriétaire du Domaine. Toutefois, la relecture de la généalogie d’Agathe De St-Perre semblait favoriser une perception autre. Cette perception provient d’un évènement triste dans la vie d’Agathe, soit la perte de son père tué par les amérindiens qu’ils avaient eux-mêmes accueillis pour un repas familial. Premier greffier de Ville-Marie, Jean De St-Perre n’aurait signé que quelque 20 actes notariés au cours de sa courte carrière. À son décès, le notaire Bénigne Basset lui succède comme secrétaire de l’Oeuvre et Fabrique de Notre-Dame de Montréal. Cette dernière observation devient un fait majeur pour la reconnaissance d’Agathe comme véritable propriétaire du Domaine. En ces lieux et suite au questionnement de l’historien Duval, nous pouvons établir les liens juridiques recherchés. La signature de l’Acte d’échange ne concernerait plus le mariage d’Agathe mais la situation familiale de l’unique héritière de la famille Godé-St-Perre. À cet effet, il est important de noter les relations déjà établies entre Agathe De St-Perre et les Messieurs de Saint-Sulpice de Paris qui proviennent de sa plus tendre enfance. À cet égard, il est possible de constater comment l’ouverture et l’engagement d’Agathe au sein de sa communauté interpellent toujours les tisserands actuels de la Cité de Dorval. En 2010, quelques pistes de son action commencent à poindre à l’horizon. Ces prémices proviennent de la Guilde des tisserand(e)s :
Le tartan officiel de la Cité de Dorval, conçu par la Guilde des tisserands de Dorval, a été dévoilé le 12 février 2010 au Musée d'histoire et du patrimoine de Dorval. Il a aussi été enregistré en Écosse auprès du « Scottish Register of Tartans (...) En 1685, les Sulpiciens concèdent le domaine à Agathe De St-Perre qui vend sa concession, en 1691, à Jean-Baptiste Bouchard dit d’Orval, un voyageur et un commerçant de fourrures qui, par la suite, passera à l’histoire en laissant son nom à la Cité de Dorval .
Dès lors, il devenait opportun de vérifier et rectifier les Armoiries. Toutefois, la rectification d’Armoiries ne peut se faire sans détenir les actes officiels. Ces documents notariés recherchés semblaient disparus. M. Duval alors âgé de 90 ans ne disposait plus de la documentation. Il devenait alors difficile d’authentifier ce droit de propriété. Bien que le tartan officiel de la Cité de Dorval en affirmait l’existence et même si les justifications présentées dans le volume de l’historien Duval en autorisaient les corrections, il fut établi qu’une révision des faits permettrait de situer et démontrer le « droit de propriété » d’Agathe De St-Perre. À cet égard, il est à noter que selon l’historien Duval, l’Acte d’échange de 1685 n’aurait été signé que dans le cadre de son mariage.
Pouvons-nous corroborer ce fait ? Quelle est la clé de l’énigme ? Dès lors, la recherche historique devient fondamentale. À cet effet, comment admettre le droit de signer d’une femme en Nouvelle France au 17e siècle ? Comment situer notre interrogation ? Les raisons évoquées corroborent-elles ‘oui’ ou ‘non’ l’énoncé de l’historien ? Pour atteindre ces spécificités, il semblait essentiel de consulter des sources nouvelles. Un déplacement fut établi. Les sources nouvelles concernaient désormais le droit de propriété obtenu au sein de la famille d’Agathe De St-Perre, de la famille Godé-St-Perre.
Dans ce contexte, j’effectuerai un déplacement qui nous dirigera vers Ville-Marie, plus spécifiquement au moment de la construction de l’église de la paroisse Notre-Dame de Montréal. Une documentation suivra cette introspection ; elle est extraite en même temps de la documentation officielle obtenue, vérifiée et transmise à la Cité de Dorval et des sources notariés justifiant le droit de propriété de Demoiselle Agathe De St-Perre. Le principal motif retenu concerne l’expropriation de quatre arpents de terre dont témoignent la rédaction du procès-verbal du 16 août 1662 de la Fabrique Notre-Dame.
Un bref parcours historique permet de situer la première chapelle Notre-Dame qui fut d’abord logée dans le Fort de la Place Royale sur les rives du Saint-Laurent, plus tard appelée Pointe-à-Callière.Construite par des colons charpentiers, elle était munie de beaux ornements et d’un riche tabernacle venu de France. Les besoins se faisant plus pressants, il fallait agrandir les lieux. Dès 1657, on érigeait une église de bois de 50 pieds de long à même l’hôpital de l’Hotel-Dieu dirigé par Mlle Jeanne Mance. À cette époque, le nombre de fidèles croissait très rapidement et l’espace commençait encore à manquer. Nous sommes en 1669 lorsque nous retrouvons Mgr de Laval exhortant ses ouailles à se doter d’une église paroissiale indépendante. La reconstitution historique provient des documents officiels et des extraits des Archives Nationales du Québec. Dès lors, nous retrouvons au premier rang le grand-père maternel d’Agathe, Nicolas Godé véritable propriétaire de l’un des terrains à exproprier dont cette dernière en devînt l’unique héritière. Cependant, et c’est là toute la problématique, le tout ne se serait pas conclu en un jour. L’achat des terrains et les Actes d’échange retardèrent la construction de l’église.
L’Assemblée des habitants de Ville-Marie du 12 mai 1669 fut présidée par Mgr de Laval et tenue dans une salle du premier Séminaire de Montréal. À ladite assemblée, il fut résolu d’acheter l’emplacement des héritiers de Jean De St-Perre et de commencer les travaux le 8 juin 1669. La direction des travaux fut confiée au notaire Bénigne Basset. Malheureusement, le tout ne fut pas résolu à cette assemblée. Selon les procès-verbaux, les pourparlers, accords et reports, du 9 mars 1663 et du 8 juin 1669, moment où la Fabrique décidait d’acheter l’emplacement des héritiers de Jean De St-Perre (St-Père), à savoir sa femme Mathurine Godé et ses deux enfants, Agathe et Claude, l’achat de la terre des héritiers de Jean De St-Perre ne fut pas entériné. Mathurine et Claude, mère et frère d’Agathe étant décédés, celle-ci en devenait la seule héritière. À cet effet, le 6 juin 1672, une nouvelle assemblée fut convoquée sous la présidence de M. Dollier de Casson, Supérieur et Administrateur de l’île de Montréal. Conséquemment, si l’assemblée de la Fabrique entérine alors l’achat des terrains d’Agathe De St-Perre, le premier Acte d’échange sera reporté. Une raison majeure justifiait le report : Agathe étant mineure, l’Acte sera effectué entre « les tuteurs et les tutrices d’Agathe De St-Perre » et la Fabrique de Montréal. Il s’agit alors d’ériger la première église Notre-Dame de Montréal qui ne sera terminée qu’en 1683. Ce fait est fondamental, car seulement deux ans nous séparent de la signature officielle des Actes d’échange par Agathe De St-Perre, femme «dûment autorisée » à signer le 7 septembre 1685. Qu’était-il arrivé entre temps ? Tel que déjà cité au premier chapitre, la Compagnie de Montréal vivant de grandes difficultés financières avait remis l’Ile de Montréal à la Compagnie de Saint-Sulpice de Paris, le 9 mars 1663.
L’historique présenté précédemment provient des documents officiels, extraits des Archives Nationales du Québec et des Archives de Saint-Sulpice. J’ai effectué certaines recherches sur les lieux mêmes, à Saint-Sulpice après avoir signée. Ces extraits de la documentation officielle présentés en six temps respectent le vocabulaire et l’argumentaire utilisés : 1) 1672. Vente de la terre de feu Nicolas Godé aux sieurs du Séminaire de Saint-Sulpice ; 2) 1672. Vente d’une terre de feu Nicolas Godé, par sa veuve Mathurine ; 3) 1672. Acte d’échange par les tuteurs et les tutrices d’Agathe De St-Perre ; 4) 1685. Acte d’échange du Domaine de la Présentation entre Agathe De St-Perre et les sieurs de St-Sulpice ; 5) 1691. Vente du Domaine de la Présentation par Agathe De St-Perre ; 6) Actes d’échange de 1672-1692 et accords des droits de propriété à la Fabrique Notre-Dame par Agathe De St-Perre.
1. 1672. Vente d’une terre de Nicolas Godé aux sieurs du Séminaire St-Sulpice :
Vente par Nicolas Godé fils, charpentier et chapuiseur (charpentier fabriquant le bois des selles), et Marguerite Picard, sa femme, aux sieurs du Séminaire de Saint-Sulpice du faubourg Saint-Germain près de Paris, seigneur propriétaire de l'île de Montréal, stipulant et acceptant pour ledit Séminaire, messire François Dollier de Casson, prêtre supérieur habitant l'île de Montréal, messire Gabriel Souard, prêtre et curé de la paroisse de Montréal et maître d'école, messire Gilles Perrot (Perrault - Perreau), prêtre et curé de la paroisse de Montréal,Mathieu Rannier, ecclésiastique et économe (religieux qui a soin de la dépense du monastère) du Séminaire de Montréal, ladite vente concernant un morceau de terre sis en l'île de Montréal, description de la terre, ladite terre appartenant au feu Nicolas Godé père par contrat de concession fait par monsieur de Maisonneuve, gouverneur de l'île de Montréal, en date du 3 janvier 1654, Genaple et François Bailly sont témoins, le 8 mai 1672. [Document insinué le 20 septembre 1672].
2. Vente d’une terre de Mathurine Godé et Jacques Lemoine, second époux aux sieurs du Séminaire de Saint-Sulpice de Paris :
Vente par Jacques Lemoyne (Lemoine), habitant, et Mathurine Goddé (Godé), sa femme, aux sieurs du Séminaire de Saint-Sulpice du faubourg Saint-Germain près de Paris, seigneur propriétaire de l'île de Montréal, stipulant et acceptant pour ledit Séminaire, messire François Dollier de Casson, prêtre supérieur des prêtres et ecclésiastiques, habitant à l'île de Montréal, messire Gabriel Souard, prêtre et curé de la paroisse de Montréal et maître d'école, messire Gilles Perrot (Perrault - Perreau), prêtre curé de la paroisse de Montréal, Mathieu Rannier (Rannyer), ecclésiastique et économe (religieux qui a soin de la dépense du monastère) du Séminaire de Montréal, ladite vente concernant deux morceaux de terre sis sur l'île de Montréal, lesquels appartenaient au feu Nicolas Godé père, de son vivant habitant de l'île de Montréal, père de ladite Mathurine, description desdites terres, Jean Gervais et François Bailly sont témoins, le 8 mai 1672.[Document insinué le 20 septembre 1672].
3. 1672. Échange entre la Fabrique de Montréal et les tuteurs et tutrices d’Agathe De St-Perre :
Échange entre la Fabrique de Montréal représentée par Pierre Picoté, écuyer, sieur de Bellestre (Belestre), marguillier d'honneur de la paroisse de Montréal, les sieurs Pierre Gadoy (Gadois), Jean Aubuchon et Gilles Lauzon, tous marguilliers de la paroisse de Montréal, afin d'obtenir un nombre de terre suffisant pour construire une église paroissiale, une terre est octroyée par Jacques Lemoyne (Lemoine), tuteur stipulant pour Agathe de Saint-Père [St-Perre], fille mineure du feu Jean de Saint-Père [St-Perre] et de Mathurine Gaudé (Godé - Goddé), sont aussi mentionné Nicolas Godé fils, charpentier et habitant de Montréal, oncle paternel de ladite Agathe, Jean Desrochers, habitant de Montréal et Françoise Godé, sa femme, oncle par alliance et tante paternelle de ladite Agathe, le sieur Pierre Gadoin (Godin - Godé) et Jean-Baptiste Gadoin (Godin - Godé), cousins maternels de ladite Agathe, sont présents et aussi messire François Dollier de Casson, prêtre supérieur des prêtres et ecclésiastiques, habitant à l'île de Montréal, messires Gabriel Souard, prêtre et curé de la paroisse de Montréal et maître d'école, messire Gilles Perrot (Perrault - Perreau), prêtre et curé de la paroisse de Montréal, Mathieu Rannier (Rannyer), ecclésiastique et économe (religieux qui a soin de la dépense du monastère) du Séminaire de Montréal, description de ladite terre et noms de voisins, suit la description du lot donné en échange sis à Montréal, lequel est de pareil quantité à la terre octroyée par ladite Agathe, et noms de voisins, Jean Gervais et Pierre Caillé, sont témoins, le 16 juin 1672.
4. 1685. Acte d’échange (eschange) entre les Messieurs de Saint-Sulpice et Agathe De St-Perre du « Domaine la Présentation » et île et îlets De Courcelles :
Par-devant Bénigne Basset, notaire royal et notaire de la terre et seigneurie de l’île de Montréal, en la Nouvelle France, Écuyer, soussigné. Furent présents : Messires François Dollier de Casson, prêtre, supérieur du Séminaire établi au Montréal, et procureur de messire Louis Tronson, prêtre et supérieur du Séminaire St-Sulpice de Paris, celui du Séminaire seigneur propriétaire de ladite île ou terre lieux et dépendances ; assisté de Messire Mathieu Ranuyer, l’un des ecclésiastiques (de) celui du Séminaire et son économe en ladite ville, y demeurant, d’une part,
Et demoiselle Agathe De St-Perre, fille majeure, usant et jouissant de ses droits, aussi y demeurant, d’autre part.
Lesquelles parties, de leur bon gré, ont reconnu, et confessé avoir fait les échanges et transports qui vont suivre, à savoir : Mesdits sieurs Dollier et Ranuyer aux nom et qualité qui sont produits, ont cédé et transporté et délaissé audit titre d’échange le tout, dès maintenant et pour toujours, et promis en leurdit nom garantir de tous troubles et empêchements généralement quelconques, à ladite demoiselle De St Perre, acceptant pour elle, ses successeurs et ayants cause, certain Domaine appelé la Présentation, sis et situé en ladite île au-dessus de la Chine, consistant en ce qui suit, savoir :
toute la largeur de terre qui se trouvera entre celle des héritiers de feu le sieur Picoté de Belestre, et certaine concession de quatre arpents de font concédée depuis peu au nommé Jacques Morin, sur vingt arpents de profondeur, tirant au nord ; une maison d’une longueur de cinquante-trois pieds ou environ, sur la largeur qu’elle peut avoir ; deux caves l’une de maçonnerie et l’autre, non ; une cheminée aussi de maçonnerie ; cabinets, cabanes, une grange avec deux étables au bout de celle, ensemble de quatre-vingt pieds de long sur trente pieds environ de large ; les poulaillers et soue à cochons, le tout de pièce de bois sur pièce ; le puits, jardins, enclos de pieux de cèdre d’environ un arpent ; lesdits bâtiments couverts de paille et en bon et dû état. iceux (bâtiments) construits sur lesdites terres données iceux (bâtiments) construits sur lesdites terres données par le présent échange, et généralement tout ce qui dépend du domaine, ses appartenances et dépendance, à la réserve que se font mesdits sieurs Dollier et Ranuyer en leurdit nom de tous et chacun des meubles, bestiaux, grains et fourrages, ustensiles d’agriculture et autres meubles généralement quelconques, qui sont à présent audit domaine, tous ceux recueillis (autant) qu’à recueillir cette présente année, avec le logement d’iceux, jusqu’au jour et fête de Pâques prochain, qu’ils se sont réservés et réservent, sans pour ce payer aucune chose à ladite demoiselle De St Perre, comme aussi cédant et transportant mesdits sieurs Dollier et Ranuyer en leurdit nom comme ci-dessus à devant, les île et îlets appelés vulgairement de Courcelles qui sont vis-à-vis lesdites terres baillées et délaissées par le présent échange, en l’état que toutes les choses susdites se poursuivent et comportent, que ladite demoiselle De St Perre a dit bien savoir et connaître pour les avoir vues et fait visiter ainsi qu’elle a dit et déclaré.
Aux Mesdits Sieurs de St Sulpice appartenant et faisant partie des terres de ladite île (de Montréal), et lesdits île et îlets à eux concédés par contrat en date ... Étant en la censive de mesdits sieurs de St Sulpice et chargé envers eux de trois deniers de cens pour chacun an pour chacun arpent qui se trouvera dans toute l’étendue desdites terres, île et îlets ainsi donnés par le présent échange, qui commencera à être payé par ladite demoiselle De St-Perre, ses successeurs et ayants cause, en la maison seigneuriale dudit Montréal le jour et fête de St Martin d’hiver de l’année mil six cent quatre-vingt six, à la charge aussi de faire moudre ses grains aux moulins desdits seigneurs en ladite île, et non en d’autres, à peine de confiscation desdits grains et d’amende arbitraire, de laisser les chemins nécessaires et accoutumés que lesdits seigneurs trouveront à propos pour la commodité publique. Ne pourra aussi ladite demoiselle De St-Perre, ses successeurs et ayants cause, mettre cens sur cens lesdites terres ou partie d’icelles, non plus que les donner, vendre, échanger ou aliéner à mainmorte ni à aucune communauté sans le consentement exprès desdits seigneurs ou autres ayant pouvoir d’eux.Sera tenue ladite demoiselle de faire arpenter à ses propres coûts et dépens toutes les terres ci-dessus baillées par le présent échange, tant celles de terre ferme (que) et des île et îlets de Courcelles, afin de savoir au vrai le contenu de icelles et d’y percevoir les cens qui jusqu’à ce (jour-là) seront payés sur le pied de trois cents arpents à raison de trois deniers pour chacun an pour chacun arpent.
Et comme l’île de Courcelles a été ci-devant affermée pour un temps au nommé Chartier, ladite demoiselle De St-Perre pourra, si bon lui semble, le continuer ou sinon le dédommager de ses intérêts justes et raisonnables, sans que pour ce elle puisse avoir aucun recours sur lesdits seigneurs pour lesdits intérêts.
Pourra ladite demoiselle De St-Perre, ses successeurs et ayants cause, après les trois premières années de jouissance expirées, résoudre le présent contrat d’échange, et en ce faisant, rendre les choses ainsi baillées par le présent échange en bon et dû état comme ci-devant et susdit, en avertissant toutefois lesdits seigneurs ou autres en leur lieu et place trois mois auparavant la prise de résolution.
Le tout aussi avec permission de chasser et de pêcher par ladite demoiselle de St-Perre, ses successeurs et ayant cause, dans l’étendue des dites terres données par le présent échange, et par-devant [i]celles dans le grand fleuve St-Laurent ou lac St-Louis.
Que si, dans la profondeur des vingt arpents desdites présentes terres, il ne s’y rencontre pas certaine prairie qui ne paraisse point dans les devant d’icelles, Mesdits sieurs Dollier et Rannyer en leurdit nom promettent et s’obligent de prolonger ladite profondeur jusqu’à la concurrence de ladite prairie, aux même cens et redevances que ci-dessus.
Pour toutes et sans autres charges ou dettes, ni hypothèques quelconques, ainsi que Mesdits sieurs Dollier et Rannyer en leur dit nom ont dit et affirmé, quitte d’arrérages d’icelui cens du passé jusqu’au jour et fête de St Martin d’hiver prochain venant.
Et pour, et en contre échange de ce, ladite demoiselle De St-Perre a pareillement cédé, transporté et délaissé... (Ici vient la description de la concession cédée par Agathe De St-Perre au Séminaire de St-Sulpice, par laquelle se trouvait «...au lieu dit la grande anse, commençant deux arpents de large sur le bord de la grande arrive du fleuve St Laurent sur vingt arpents de profondeur... » dans cette même partie de l’acte on trouve la mention des diverses charges auxquelles cet immeuble est assujetti.) .....(charge à laquelle l’acte est assujetti) ..... Cesdits échanges et transports sont faits à la charge des ditscens et autres charges susdites seulement, en outre moyennant la somme de mil livres de soulte ou retour, que Mesdits sieurs Dollier et Rannyer en leurdit nom confessent avoir eue et reçue de ladite demoiselle De Saint Perre, qui (la) leur a baillée et payée en la présence de moi dit notaire, et (des) témoins, en un billet de pareille somme en date de ce jour à prendre et percevoir icelui sur le sieur Charles de Coüagne, marchand, de ce lieu, payable en argent quinze jours après le départ des vaisseaux pour la France de ce pas cette présente année. Dont quittance.
Et ainsi, les choses échangées ci-dessus sont demeurées obligées et hypothéquées à la garantie l’une de l’autre, et spécialement ledit Domaine de la Présentation ci-dessus échangé à ladite demoiselle de St-Perre, immeubles présents et à devenir quelconques, pour ladite somme de quatre cents livres ci-dessus énoncée, sans que la générale obligation (ne) déroge à la spéciale, ni la spéciale à la générale, ni au contraire, transportant en outre tous droits et (se) dessaisissant au profit l’un de l’autre, etc...
Fait et passé audit Montréal, en la maison seigneuriale, du consentement et de l’agrément du noble Pierre le Gardeur, écuyer, sieur de Repentigny, l’an mil six cent quatre vingt cinq, le septième jour de septembre après-midi, en la présence des Sieurs Jean Gervaise et Jean Quesneville, praticiens et témoins, y demeurant (et le) soussigné (notaire) avec lesdites parties et ledit Sieur de Repentigny.
Ont signés : François Dollier de Casson, prêtre, Ranuyer, prêtre, Agathe De St-Perre, Repentigny, Basset.
5. 1691. Acte de vente du « Domaine de la Présentation » par Agathe De St-Perre Repentigny:
Par-devant Anthoine Adhémar, notaire et tabellier en l’île de Montréal, résidant à Ville-Marie, et les témoins ci-après nommés,
Furent présents en leurs personnes :
Pierre Le Gardeur, écuyer, sieur de Repentigny, et demoiselle Agathe de Saint Perre, son épouse, qu’il a dûment autorisée pour l’effet qui s’ensuit, demeurant au Ville-Marie, d’une part ; et Jean-Baptiste Bouchard, sieur Dorval, demeurant en cette ville, d’autre part ;
Lesquels ont volontairement reconnu, confessé, reconnaissent et confessent avoir fait et accordé ensemble de bonne foi les ventes, cessions et transferts, promesses et conventions qui s’ensuivent, c’est à savoir :
Que ledit Sieur Le Gardeur de Repentigny et ladite demoiselle de Saint Perre, son épouse, autorisée comme ci-dessus, ont vendu, cédé, quitté, transporté et délaissé du tout dès à présent et à toujours et ont promis et promettent sous la clause solidaire, et les deux l’un pour l’autre, chacun d’eux seul pour le tout, sans droits de cession ni de fusion, renonçant auxdits bénéfices, garanti de tous troubles, donations, douaires, substitutions, usufruits, hypothèques, emprunt et autres empêchements semblablement quelconques, audit Jean-Baptiste Bouchard, sieur Dorval, ce acceptant acquéreur pour lui, ses héritiers et ayants cause et ayants droit,
le domaine appelé de la présentation sis et situé en ladite île de Montréal au-dessus de la Chine, consistant en ce qui suit, savoir : toute la largeur de terre qui se trouvera entre celles des héritiers de feu Pierre Picoté de Belestre et certaine concession de quatre arpents de front concédée à Jacques Morin ; sur vingt arpents de profondeur tirant au nord ; avec la maison, grange et autres bâtiments qui sont sur iceluidit domaine ; bornant à un bout, sur le devant, à la rive du fleuve St- Laurent ou lac St-Louis, et au bout des vingt arpents de profond aux terres de Messieurs les Seigneurs de cette île, d’un côté aux terres des héritiers dudit feu Pierre de Belestre, et d’autre part aux terres dudit Jacques Morin, plus les île et îlets appelés vulgairement de Courcelles qui sont vis-à-vis des terres dudit domaine de la présentation, avec tous les droits, appartenances et dépendances desdits domaine, île et îlets sus vendus en l’état que lesdits domaine, bâtiments, île et îlets ci-dessus vendus se poursuivent et comportent, que le sieur acquéreur a dit bien savoir et connaître pour les avoir vus et visités plusieurs fois, dont s’en contente.
Audit sieur de Repentigny et demoiselle de Saint Perre, son épouse, appartenant par titre d’échange fait entre Messieurs les Seigneurs de cette île et ladite demoiselle De Saint Perre passé devant Me Bénigne Basset, notaire en cette île, le septième jour de septembre mil six cent quatre vingt cinq, lesquels domaine, île et îlets sont mouvant en la censive et la seigneurie de ladite île de Montréal, et envers elle chargée de trois deniers de cens par an pour chacun arpent, et jusqu’à ce que lesdits domaine, île et îlets soient arpentés, ledit sieur acquéreur paiera ledit cens sur le pied de trois cents arpents à raison de trois deniers par arpent, lesquelles terres le sieur acquéreur fera arpenter, et si dans l’étendue dudit domaine et la profondeur de celui il ne s’y rencontre pas une certaine prairie qui ne paraît pas dans les tenants desdites terres dudit domaine, il sera loisible audit sieur acquéreur de prolonger leur profondeur jusqu’à la concurrence de ladite prairie aux mêmes contrat d’échange avec les seigneurs de l’île, s’obligeant à en donner les preuves.
Lesdits domaine, île et îlets vendus quittes d’arrérages dans les cens du passé jusqu’à ce jour d’hui. Pour icelui domaine, île et îlets, leurs appartenances et dépendances jouir, faire et disposer par ledit sieur Bouchard Dorval acquéreur, ses héritiers et ayant cause, pleinement et paisiblement à commencer de ce jour de cette date du présent contrat de la même manière que le dit sieur et demoiselle de Repentigny (les) vendeurs en ont usé et jouit jusqu’à présent.
Cette vente, cession et transport (est) faite aux charges susdites et en outre moyennant la somme de deux mil deux cents livres argent courant de ce pour, laquelle somme de deux mil deux cents livres lesdits sieur et demoiselle de Repentigny ont cédée et transportée au sieur Charles de Coüagne, marchand, demeurant en cette ville, à ce acceptant, qui les aura, recevra, prendra et touchera des mains dudit sieur Bouchard Dorval, acquéreur, comme bon lui semblera. Ce transport (est) fait moyennant l’acquittement pour ledit sieur et ladite demoiselle de Repentigny, quittes envers ledit sieur de Coüagne de pareille somme de deux mil deux cents livres pour le rachat de la rente et cent dix livres qui lui sont constituées pour les charges portées au contrat de constitution pour emprunt consenti audit sieur de Coüagne passé par-devant le notaire soussigné le 30e jour de mars 1688. Et au moyen dudit transport ledit sieur de Coüagne a quitté et quitte lesdits sieurs et demoiselle de Repentigny de ladite somme de deux mil deux cents livres pour le rachat, en principal et amortissement, et de cent dix livres de rente constituée par ledit contrat, comme aussi il les a quittés et quitte des arrérages de ladite rente de tout le passé jusqu’à ce jour d’hui, ce faisant consent que la minute et grosse dudit contrat de constitution de rente soit rendue nulle et que mention soit faite en marge à partir des présentes.
Enfin ledit sieur de Coüagne a quitté et quitte auxdits sieur et demoiselle de Repentigny tout ce qu’ils lui doivent d’ailleurs jusqu’à ce jour d’hui et promet ne leur en faire ni faire faire dorénavant aucune demande directement ni indirectement. À la réserve et sans préjudice audit sieur de Coüagne de la somme de sept cent dix neuf livres huit sols qui sont échues et lui sont dues pour reste d’un billet du quinzième pour l’an mil sis cent quatre-vingt-trois que ledit sieur de Repentigny, les sieurs de Beauvais et de Coüagne lui doivent conjointement payable en castor au prix du Bureau du Roi pour lettres de change.
Laquelle somme de deux mil deux cents livres ledit sieur Bouchard Dorval promet et s’oblige de bailler et payer audit sieur de Coüagne en argent courant de ce pays en personne en cette ville dans tout le mois de mai prochain ou au porteur, à peine de tous dépens, dommages et intérêts, sans préjudice audit sieur de Coüagne de ce que ledit sieur Dorval lui doit d’ailleurs. Et jusqu’à l’entier paiement de ladite somme de deux mille deux cents livres du prix des choses ci-dessus vendues, icelles demeureront par privilège spécialement affectées, obligées et hypothéquées audit sieur de Coüagne avec tous les autres biens meubles et immeubles pouvant accroître audit sieur Dorval qui en a souscrit à toutes les rigueurs de justice...
Et (sans) autres charges, clauses et conditions lesdits sieur et demoiselle de Repentigny ont transporté tous droits de propriété au fonds et tréfonds, etc., laissant et délaissant, etc., voulant, etc., donnant, etc. (...)................................................................................
Lesdits sieur et demoiselle de Repentigny ont mis en mains dudit sieur acquéreur le contrat d’échange passé entre Messieurs les seigneurs de cette île et ladite demoiselle de St-Perre par-devant ledit Basset, notaire, le 7e jour de septembre 1685, concernant la propriété ci-dessus vendue...
Fait et passé au Ville-Marie, maison et résidence desdits sieur et demoiselle de St-Perre Repentigny l’an mil six cent quatre-vingt-onze le vingt-neuvième jour de janvier après-midi, en présence de Pierre Cabaziers et de Jean L’Ory, témoins, demeurant au Villemarie, soussignés, avec lesdits sieur et demoiselle De St-Perre Repentigny, ledit sieur Dorval, ledit sieur de Coüagne et le notaire après lecture faite suivant l’ordre.
Ont signés : Repentigny, Agathe De St-Perre, Jean-Baptiste Bouchard Dorval, Charles de Coüagne, L’Ory, Cabaziers, Adhémar .
6. Titres de propriété de la Fabrique Notre-Dame de Montréal et Acte d’échange entre Agathe De St-Perre et les seigneurs de Montréal, le 23 janvier 1692 :
À peine dix ans après l’inauguration de l’église, les seigneurs de Montréal accordaient à la Fabrique de cette paroisse, les titres de propriété, du terrain de l’église, de la sacristie, du cimetière, etc., à certaines conditions par acte passé devant le notaire Antoine Adhémar, le 15 avril 1693. À cette occasion, celui-ci annexait à sa minute un plan de l’église, des rues Notre-Dame et St-Joseph (aujourd’hui St-Sulpice) et du terrain (marqué 7 sur son plan) obtenu par Agathe de St-Perre, le 16 juin 1672. Adhémar nous fait remarquer que ce dernier emplacement venait d’être échangé aux seigneurs en 1692. Ce que nous avons pu vérifier par un acte du notaire Bénigne Basset, passé le 23 janvier 1692, où Agathe De St-Perre est autorisée par son mari, Pierre Le Gardeur de Repentigny, à faire cette transaction. (...) Sur le plan que nous avons fait et qui représente pratiquement toute la Place d’Armes, il faut noter qu’en 1672, Dollier de Casson, aidé de Bénigne Basset qui agissait comme arpenteur, a tracé la plupart des rues du Vieux-Montréal. [...] Le terrain obtenu par Agathe De St-Perre, en 1672, et échangé aux seigneurs le 23 janvier 1692 a contribué à faciliter la tâche de l’arpenteur Gédéon de Catalogne.
Conclusion:
Par ces actes notariés, il est possible d’affirmer que le mariage d’Agathe De St-Perre n’eut lieu que le 28 novembre 1685. Considérant que la signature de l’Acte d’échange entre Mlle Agathe De St-Perre et les Seigneurs de Saint-Sulpice est signé avant son mariage le 7 septembre 1685, Pierre LeGardeur de Repentigny ne fut seulement que le témoin de l’Acte d’échange. En ce lieu, le « Domaine de la Présentation » et l’île et les îlets De Courcelles deviennent par le fait même, la propriété unique de Mlle Agathe De St-Perre.
Pour ce qui concerne l’Acte de vente signé au 5e point par Agathe De St-Perre Repentigny le 29 janvier 1691, un fait stipule le droit de propriété de Demoiselle Agathe De St-Perre. Ces faits se justifient au 6e point de mon argumentaire ; seule Agathe De St-Perre signe les ententes finales avec la Fabrique Notre-Dame. Tel que repris au 6e point, « les Seigneurs de Montréal accordaient à la Fabrique de cette paroisse, les titres de propriété, du terrain de l’église, de la sacristie, du cimetière » . En ce lieu, on y mentionne le terrain obtenu par Agathe De St-Perre en 1672, terrain déjà cité au no 3 dans l’échange entre la Fabrique de Montréal et les tuteurs et tutrices d’Agathe De St-Perre. Nous retrouvons alors que l’Acte d’échange entre Agathe De St-Perre et les Sieurs de Saint-Sulpice ne fut libéré que le 23 janvier 1692, un an après la vente du « Domaine de la Présentation » à Jean-Baptiste Bouchard Dorval le 29 janvier 1691.
Ainsi se termine les liens à établir entre les droits de propriété d’Agathe De St-Perre, fille de Jean De St-Perre et de Mathurine Godé et petite-fille de Nicolas Godé, dont les noms sont inscrits sur le monument de la Place Royale de Montréal. Dès lors l’Acte d’échange et l’Acte de vente du Domaine de la Présentation, entre les Messieurs de Saint-Sulpice et Agathe De St-Perre permettent de justifier pleinement le droit de propriété d’Agathe De St-Perre. Il ne s’agit pas d’un droit accordé en vertu de son futur mariage avec Pierre Le Gardeur De Repentigny, tel que le comprenait l’historien André Duval. Ce droit incontestable lui est octroyé en vertu de l’héritage familial que celle-ci reçoit comme héritière en titre des terrains qui ont permis à la Fabrique Notre Dame de Montréal de construire la première église Notre-Dame de Montréal qui sera agrandie une première fois en 1708 :
Le Supérieur des Sulpiciens de l'époque, François Dollier de Casson, est chargé de faire le plan de la première église paroissiale. Elle était située dans l'axe de la rue Notre-Dame. Sa construction débute en 1672, et celle-ci est agrandie pour la première fois en 1708.
En terminant cette première partie, il devient possible de justifier le droit à la propriété du Domaine de la Présentation par Mlle Agathe De St-Perre, suite à l’Acte d’échange avec les Sulpiciens qui étaient les propriétaires de ce lieu de mission depuis 1667.
Sous le vocable du nom de la Présentation, la deuxième partie de mon volume sera consacrée à la spiritualité qui a vu naître notre cité, soit la spiritualité ministérielle du fondateur des Messieurs de Saint-Sulpice, M. Jean-Jacques Olier. Elle s’intitule comme suit : Spiritualité mariale et ministères.
Signature Agathe De St-Perre
07-09-1685 (Archives 1646)
Signature
Agathe De St-Perrre ( Archives, no 1814)